Un mini-Overhaul à 750H.

 


750 H, fonctionne parfaitement, démarre instantanément, consomme 10l/h en croisière à 140 km/h, 0.1 litre d'huile pour trois à quatre heures de vol, ce qui est très correct pour un Jabiru et pourtant je vais démonter.
En effet la Cigogne est promise à la vente, pour moi la mécanique pose peu de problèmes, c'est mon Job, pour les nouveaux propriétaires ce ne sera pas le cas, il est donc nécessaire de leur donner du champ. Et puis ça m'amuse et je suis très curieux de voir ce que la cigogne a dans les tripes.




Sur la 'table d'opération".





Les logements de culbuteurs sont propres mais les coupelles supérieures sont légèrement oxydées, témoignant d'un passé trop froid ! Il est impératif que l'huile atteigne au moins 80° à 100° en vol, pour chasser l'humidité.





Ce que je craignais !
Les soupapes sont très propres depuis que la carburation est réglée mais les culasses portent des traces de calamine ainsi que les têtes de pistons. Cette calamine qui fini par se décoller fait prendre un risque de serrage (comme sur un deux temps) il suffirait qu'elle se place entre le cylindre et le piston...




Sinon les culasses et cylindres ne portent aucune trace de fuite de gaz, les vis sont faciles à déposer malgré l'âge (18 ans).


 Aucune fuite d'huile aux rotors de distributeurs, pourtant considérés comme sensibles. Il y a juste un peu de poussières et c'est normal.





Les culasses sont déshabillées.




Ca prends un peu de place.




Les soupapes sont à la "cote d'origine" entre 6.97 et 6.98, font la bonne épaisseur sur la tulipe, aucune raison de les remplacer. Juste un bon nettoyage.


Pas d'usure ni d'ovalisation ce qui est peu surprenant, les cylindres en acier du Jabiru c'est du costaud ! Acier 4140, allié Chrome-Molybdène. Comprenez par là que les aléser pour y déposer un revêtement Nicasyl présente à mon sens peu d'intérêt (Des ateliers le font systématiquement).


Le "jeu de basculement" est de 0.25mm, la norme c'est maxi 0.7mm, à ne pas confondre avec jeu entre guide et tige ici contenu à 0.05mm. Les guides pourraient être conservés mais je vais les remplacer.





Gros nettoyage, il y a de la calamine car ce moteur a tourné assez longtemps trop riche (comme beaucoup de Jabiru) ce qui ne présente aucun intérêt, ne pas être pauvre d'accord, trop riche, non !




 Curetage des gorges de segments (avec un vieux segment cassé et affuté) et pose de segments neufs. Je récupère surtout une pate grasse assez compacte liée à la consommation d'huile.





Contrôle du "jeu à la coupe" des nouveaux segments. Jabiru dit mini 0.4mm, la norme (compte tenu du diamètre et des matériaux est de 0.3mm) ici je relève 0.35mm.





Honage (ou déglaçage) des cylindres, on crée de fines rayures dont le rôle est de retenir l'huile pour diminuer les frottements et améliorer l'étanchéité.





L'ensemble est reposé, les joints de pied de cylindre ont été enduits de Loctite 515 et les cylindres sont revêtus de peinture au zinc car ils ont tendance à s'oxyder.







Nouveaux guides d'origine Golf avant reprise au tour (il convient de faire sauter la collerette d'arrêt et créer une gorge pour placer un circlip afin de faciliter le positionnement  à la repose)
Ils peuvent être équipés de joints. Ils sont modifiés d'après le plan dressé par Freddy Janssen (les deux vies d'un Jabiru "http://jabiru-engine-inspection.blogspot.com/") et qui a fait ses preuves, aujourd'hui le moteur de Freddy a dépassé ses 1200H sans connaître de souci. Il est ici remercié pour ses recherches.






Le même après reprise au tour et comparé à l'origine.

Alors pourquoi remplacer les guides puisque les miens sont quasi-neufs ? 

Simplement parce que des guides percés latéralement en tête comme sont les guides d'origine ne peuvent que créer de la consommation d'huile, Jabiru pouvait encore l'ignorer il y a 20 ans, aujourd'hui ça questionne, aucun moteur moderne n'est conçu ainsi. Avaler de l'huile par les soupapes (principalement par les soupapes d'admission) n'amène que des désagréments, pollution, calamine, combustion dégradée, bougies dont la vie est réduite, collage des segments faisant craindre à terme un serrage.






Culasses en "mode cuisson" à 150°.
Prudence, à ces températures les sièges sont "froids" (leur T° de fonctionnement c'est 400 à 600°), ils peuvent donc sortir de leurs logements car la culasse est fortement dilatée, si vous faites pénétrer les guides en tapant avec un marteau et un jet, placez un chiffon au dessous de la culasse pour empêcher les sièges de tomber !!!







Les guides neufs sont en place. Placés au congélateur 24H avant repose, ils se placent assez facilement mais il convient d'être vif car ils prennent très vite de la température et du diamètre. Un jet acier de diamètre adapté (11mm et centreur de 7mm) est nécessaire.





Un coup d'alésoir de 7mm H7 pour supprimer le retreint. Les soupapes doivent tomber gentiment par leur propre poids, ne pas insister car chaque passage enlève de la matière, le jeu de 0.03mm entre guide et soupape est recherché, comme les tiges font 6.97 à 6.98mm, un à deux passages d'alésoir sont suffisants.





Rodage des soupapes, pour s'assurer de l'étanchéité vérifier à l'aide d'une lampe LED dans les conduits. La soupape d'admission compte tenu de sa taille est plus délicate à centrer. Dans certains cas il peut être nécessaire de réaliser un fraisage des sièges (lorsque les anciens guides ne sont pas percés au centre, ce qui est arrivé chez Jabiru). Ici j'ai eu un peu de chance.





Prêtes à la repose. Chaque culasse a été rodée sur son cylindre car sur ce montage il n'y a pas de joints.
Les vis sont enduites de graisse graphitée fine (employée sur les sondes lambda).




Prêt à monter au banc.





Il  est possible de démarrer le moteur pendu à une chèvre et sans son hélice, mais ça n'a rien d'indispensable bien sûr.
Le Jabiru vibre très peu. Par contre et s'agissant d'un 2200 cm3, le démarrer à l'aide de câbles à batterie risque de ne pas vous faire passer les compressions, il faut améliorer les jonctions électriques (boulons) et utiliser une batterie puissante. Inverser le ressort d'accélérateur pour forcer la mise en ralenti qu'il faut augmenter (en vissant d'un à deux tours la vis butée) et augmenter la richesse de ralenti (desserrer de 1/2 à 1 T la vis de richesse). Ne pas utiliser le starter. Penser à relier électriquement (et séparément) les bobines via des interrupteurs à la masse (j'utilise un inter double de chaudière) pour couper le moteur, et ne pas trop insister car ce dernier n'est pas refroidit.




Ca permet juste d'être sûr que rien de majeur ne se produit, ensuite les vérifications se feront sur la cellule bien sûr. Augmenter le régime de ralenti évite les acyclismes.

Conclusion !

Un moteur est il usé à 750H ? Ca correspondrait à moins de 50000km pour un moteur de voiture utilisé de façon bien plus sévère que nos moteurs d'ULM, réponse : Absolument pas ! Le sera t'il davantage à 1000H ou 2000H ? Certainement pas plus.
Ou alors c'est que votre machine fut mal entretenue et (ou) fonctionnait dans des conditions épouvantables (oui ça existe) c'est à dire une carburation totalement hors des clous, des lubrifiants inadaptés et des températures trop ou pas assez élevées.

Un "Overhaul" Jabiru comprends le remplacement systématique d'un grand nombre de pièces qui ne sont donc pas usées et que vous allez remplacer par des pièces qui n'ont pas fait la preuve de leur endurance, ce qui est forcément le cas de celles que vous vous apprêtez à jeter au rebut, ce monde n'est pas sérieux !
Ce qui peut (à la limite, car les mentalités évoluent) s'entendre en aviation certifiée n'a pas vocation à être imitée dans le monde de l'ULM, ou alors c'est que vous avez 7000 €uros à dépenser pour rien. Payez vous plutôt trois semaines en Polynésie, au moins vous ferez une heureuse.

Une dépose des culasses et une rénovation de ces dernières avec remplacement des guides est une idée à retenir, ça ne coutera pas grand chose, déposez et reposez vos culasses vous même, c'est simple et vous serez certains que le boulot sera bien fait. Il ne faut pas grand chose comme matériel. Une clé male longue d'1/4 que vous couperez à 80 mm munie d'un porte embout Facom J235 et pour les premières versions une douille R (réduit) d'1/2 avec les augmentateurs pour être repris à la clé dynamométrique à la repose.
Si vous vous en sentez capables faites la segmentation, mais sincèrement ça se discute. Là il vous en coutera l'adaptateur à œil pour votre version de moteur, oubliez les clés ouvertes qui vont riper.
Une clé dynamométrique 10 à 50 N.M et c'est tout.
Respectez les couples de serrage ! Lubrifiez vos vis de culasse à la graisse graphitée après les avoir brossées. Ca parait couillon de l'écrire mais j'ai la preuve que ce n'est pas respecté par des mécaniciens de métier, et c'est rageant.
Vos culasses fuiront si elles sont trop serrées car elles se déformeront entre deux vis (il y en a six).

Loctite 515 ou 518 et pate à roder, pate silicone pour les tubes guides, quelques joints, vous allez y passer 20 à 30H mais le boulot vous plaira, facture finale entre 500 et 1000€ pour du bon travail.
Ci après, je me permet de citer mon copain Claude du forum "Notre moteur Jabiru" :

« J'ai récupéré mes 4 culasses ce matin, l'outilleur a monté des guides VW avec épaulement qu'il n'a pas eu besoin de ré-usiner. Le jeu des guides et tiges de soupapes est maintenant de 0,04mm. Une rectification des sièges et soupapes a été réalisée, la facture totale y compris la fourniture des guides et joints est de 338€ !!! Oui oui vous ne rêvez pas ! Ce spécialiste existe depuis plus de 100 ans, outre des moteurs de Jeep Willys et autres ancêtres que j'ai vu dans l'atelier, il a déjà refait des Rotax 912. Je recommande vu le rapport qualité/prix, son site web est https://www.bourgeois-moteurs.com/ ».

Là bien sûr on ne discute même plus, on envoie directement les culasses à ce spécialiste, ailleurs c'est 1000 balles.

Au final votre Jabiru ne consommera quasiment plus d'huile, si vous réglez votre carburation correctement vos bougies dureront plusieurs centaines d'heures (utilisez un AFR pour régler votre carburation, voir les articles à ce sujet) et consommerez peu de carburant.
Votre moteur se fera oublier, une vidange de 5w40 auto et un filtre à huile toutes les 50H si vous utilisez des Mogas et c'est tout. 
Notre plaisir est tout de même de voler, mais en sécurité c'est mieux.




Mise en route sur la machine à Saint André. Ralenti réglé le moteur tourne bien rond mais surprise ! Pauvre à l'accélération ! Il semble que l'Overhaul fasse respirer un peu mieux le moteur, la sanction est immédiate et je dois refaire la carburation, ce qui est facile avec une sonde Lambda. 
Par ailleurs l'écran du compte tour Hora mètre VDO rend l'âme, sur ali-express c'est 20 balles mais un mois de délai (chine) je viens de trouver pour 30 balles en Italie (Ebay, taper "display for VDO" sur Gogole, pour ceux qui ont le problème). Sinon si le maintien de l'Hora mètre n'est pas un souci il existe des compte tours neufs sur "Amazon" pour 40 balles, regarder dans mon topic sur les pièces.



Attention !

A partir du moment ou on réalise une intervention mécanique, on augmente statistiquement le risque de panne, c'est vrai partout et c'est la bête noire des agents de maintenance. Les 10 premières heures vous devez absolument rester en cône de sécurité, les premiers vols de courte durée seront précédés et suivis d'une dépose des capots, vérification de l'absence de fuites, serrage des culasses à 5 et 10H, si ça n'a pas bougé on ne touche plus, vérification du jeu aux soupapes pour ceux qui sont réglables, deux vidanges rapprochées (1 et 5H) si vous avez changé les segments (huile semi-synthèse 10w40, évitez les "super lubrifiants" en période de rodage). Vérif de la couleur des bougies, propreté de la cuve carburateur, du serrage de l'hélice etc...
Au delà de 10H de TDP et balades à proximité du terrain, il est logique de s'estimer en sécurité et de reprendre les balades plus longues.
Ca n'est pas diffèrent si vous faites réaliser le boulot par un atelier "spécialisé", notre activité à risques nous impose de respecter ces simples règles de bon sens.

Mise à jour du 05 mars 2021.
Après 1 à 2h de marche en statique compte tenu d'une météo dantesque il me fut possible de voler cette semaine, nous étions d'ailleurs nombreux au club à remettre les machines en ordre de vol.
Donc succession de TDP, quelques virées dans mon cône, ajustement de la carburation, une sonde de température culasse qui délire donc j'en commande une paire.
Vidange, serrage culasse et réglage des soupapes, mécaniquement il n'y a rien à dire. Mes prochaines virées vont s'élargir jusqu'à la vallée de Seine puis les Noyers avant d'entreprendre le transfert sur Sedan-Douzy, dès que la météo me permettra de faire Ouest-Est facilement, en semaine de préférence pour éviter le trafic du WE, il me faut passer Pontoise et il y a du monde dans ce coin.


                                        Bon courage mes amis Jabirustes.




Commentaires

  1. Purée quel boulot tout de même. Ton niveau de compétences va bien au-delà de celui du pilote lambda que je suis. Mon moteur a actuellement 280 heures. Je m'apprête à faire la vidange annuelle, changement du filtre à huile, des bougies, vérification des filtres et durites carburant, nettoyage filtre à air, et une bonne vérification des commandes du Storch. Mais quand je vois cette page, je me sens vraiment tout petit, et je me dit qu'il faudra impérativement que je me fasse aider (voir que je sous-traite) certaines opérations lourdes de maintenance...
    En tous les cas, bravo Joël !!
    Pascal

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  2. Bonjour Pascal et merci pour le compliment, en fait je n’ai pas beaucoup de mérite, les non-initiés qui s’engagent dans des travaux de maintenance sont plus courageux et probablement prennent des risques.
    La maintenance ordinaire de nos moteurs réclame cependant peu de compétences spécifiques et est donc à la portée de beaucoup. Suffit d’être soigneux et organisé, c’est de plus valorisant.
    Mon post sur le mini-overhaul voulait surtout montrer l’inutilité absolue de remplacer systématiquement des pièces non usées et ayant prouvé leur endurance, ce n’est pas toujours possible mais à mon sens réalisable à 80% des cas (la fameuse règle des 20-80). Là j’ai peut-être eu un peu de chance, mais je vois quantité de pilotes qui se font avoir plus ou moins consciemment.
    Bon courage et bons vols.
    Joël.

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